Aménager l’habitat pour le sécuriser vis-à-vis de l’épilepsie

L’épilepsie sévère peut avoir deux conséquences majeures :

  • Des chutes imprévisibles
    • souvent violentes, le corps est projeté brutalement,
    • souvent suivies d’une agitation incontrôlée.
  • Un risque d’état de mal : la crise ne s’arrête pas spontanément, il faut administrer un médicament.

L’intervention d’un aidant est nécessaire pour protéger, soigner une blessure ou intervenir sur un état de mal.

  • Pendant sa crise, la personne épileptique ne peut pas se protéger ou demander de l’aide.
  • Lors d’une crise focale ou après la crise, la personne peut avoir des actes inadaptés à la situation sans s’en rendre compte.
  • Certaines personnes ont des crises suivies d’une déambulation incontrôlée qui peut être plus dangereuse que la crise elle-même.

Aménager l’habitat a un double but :

  • éviter une aggravation suite à une chute, à de l’agitation ou à une déambulation,
  • permettre une intervention rapide pour protéger, soigner et aider.

Un article du site EPI Bretagne sur ce sujet pourrait vous intéresser.

Un environnement protégé

  • réduit l’inquiétude permanente de conséquences graves,
  • préserve l’autonomie, la liberté de déplacement de la personne épileptique,
  • réduit la charge de surveillance constante de l’aidant.

Aménager l’habitat revient bien moins cher que les frais d’hospitalisation que vous éviterez ainsi.

Comment décider ce qu’il y a à changer

Chute ? Déambulation ? Agitation ? Etat de mal ? Quels risques prendre en compte ?

  • Pour une personne chez elle on évalue ses risques en fonction de son épilepsie et de son âge. Puis on aménage en conséquence.
  • Dans un établissement médicosocial, on prend en compte tous les risques des épilepsies sévères,
    • avec si besoin des aménagements spécifiques pour une personne dans sa chambre et sa salle d’eau.

Comment faire ?

  • Dans un habitat existant, faites le tour des lieux en imaginant la crise d’épilepsie.
    Repérez tout ce qui en aggraverait le déroulement et modifiez tout ce qui peut l’être.
  • Dans un habitat à construire, mettez ces préconisations en œuvre dès la conception du bâtiment, cela revient bien moins cher que des aménagements ultérieurs.

Ces préconisations concernent la construction d’un habitat adapté, l’aménagement d’un habitat existant, que ce soit dans un domicile privé ou un établissement médicosocial. Elles s’appliquent au lieu privé de la personne et aux parties communes. La PCH « aménagement de l’habitat » peut financer en partie des aménagements dans la partie privée de l’habitat, y compris pour l’habitat familial où un adulte va habituellement lors de ses sorties de foyer ou de MAS.

Les zones à risques

les escaliers

Un escalier peut être un danger mortel en cas de chute projective ou de déambulation.

  • Autant en extérieur qu’en intérieur, éviter de créer des escaliers, des marches, des bordures qui sont des zones à risque en cas de chute. Préférer les plans inclinés sans bordure saillante.
  • En collectif, s’il y a un escalier, qu’il soit protégé par une porte et que les déplacements naturels se fassent par ascenseur ou plan incliné.
  • Dans une maison, organiser les pièces pour que la personne ait peu à utiliser les escaliers ; par exemple chambre et sanitaires au même niveau. Protéger l’escalier pour éviter un basculement par-dessus le garde-corps et amortir la chute avec des tapis de marches collés.

Jardin familial, parc de l’établissement

Visitez tout l’espace et imaginez-vous tomber en chute avant, comme si vous courriez et que vos pieds soient soudainement bloqués ou imaginez que vous courrez sans voir où vous allez.

  • Pas de plans d’eau dans lequel on peut chuter : pendant une crise, on peut se noyer dans quelques cm d’eau. Protéger par une rambarde haute les zones où une chute présenterait un risque particulier : pentes, piscine, bassin, ruisseau, etc…
  • Accès à la route ou tout autre endroit dangereux : les protéger par une porte un peu complexe à ouvrir (type sécurité enfant)
  • Supprimer les plantes dans lesquelles on ne voudrait pas tomber : épines, piquants, urticants…
  • Les bacs à plantes ne doivent pas se briser sous une chute.
  • Le mobilier de jardin ne doit pas se briser sous une chute, il a des bords arrondis.
  • Eviter les transitions lumineuses ou thermiques brutales en entrée/sortie de bâtiment. Elles peuvent être un facteur favorisant de crises chez certaines personnes.

Balcons et terrasses

Danger mortel en cas de chute par-delà le balcon ou la terrasse !

  • Les rambardes doivent protéger les chutes en avant, être arrondies. Pour une protection efficace, la rambarde doit être à hauteur de poitrine. . Pour des adultes, la hauteur standard est insuffisante. Une rambarde végétalisée large peut être à hauteur standard si on tombe sans danger dans la végétation (attention au choix des plantes et des bacs !).
  • On ne doit pas pouvoir grimper et enjamber la rambarde – c’est un risque lors de crises avec déambulation incontrôlée.
  • Le garde-corps doit résister à une chute.

Murs et fenêtres, éléments muraux

Privilégier les éléments dont l’ergonomie minimise les blessures et traumatismes en cas de chute.
Pas d’angle droit, pas de pointes sur lesquelles on risque de tomber, etc.

  • Eviter les revêtements muraux abrasifs en cas de frottements lors de mouvements convulsifs : faire l’essai en frottant son avant-bras). Arrondir les angles des murs : chanfreins, baguettes de protection (comme dans les haltes garderies !)
  • Protéger les murs en béton par un revêtement en “placo” (style BA13).
  • Les vitres doivent résistent à la chute d’un corps : verre feuilleté sur les deux faces pour les baies vitrées. (Imaginez la personne criblée de morceaux de verre…)
  • Les fenêtres ne doivent pas présenter de risque de défenestration (voir paragraphe « balcons et terrasses ») : suffisamment hautes ou munies d’un système de sécurité. Elles ne doivent pas risquer de s’ouvrir sous une chute.
  • Pour les grands miroirs, les faire fabriquer avec un film adhésif au dos pour éviter l’éparpillement des morceaux de verre en cas de casse. Les fabricants font cela avec un surcoût acceptable.

Revêtements de sol

Ils ne doivent pas être trop durs, amortissant ainsi les chutes. Mais pas trop mous pour ne pas gêner ceux qui ont une démarche traînante – fréquente dans certains syndromes épileptiques – et pour ne pas rendre difficile la circulation des chariots dans un établissement médico-social. Si vous avez trouvé le sol idéal, dites-nous !

sols extérieurs

Les gravillons, le béton strié sont à éviter. Un sol type « aire de jeu d’enfant » est le rêve mais pose des problèmes pour les chariots, pour les pieds trainants. Eviter les « bordurettes » délimitant les allées : autant d’angles traumatiques en cas de chute. Eviter les sols très clairs/trop réfléchissants qui éblouissent les jours de soleil. Un gazon anglais est idéal mais peu compatible avec les zones de circulation intensive.

sols intérieurs

On préconise un revêtement de sol PVC avec sous-couche textile d’une épaisseur supérieure au standard pour assurer une meilleure protection ou un revêtement du type « salle de sport ». Le PVC offre une bonne facilité d’entretien en cas de renversement de liquide, vomissement ou énurésie durant la crise.

La moquette ou un tapis offrent un bon amorti aux chutes mais lors de mouvements convulsifs, ils peuvent créer une abrasion cutanée importante selon la nature des fibres. Un tapis à poils longs peut léser la cornée lors d’une chute avant yeux grand ouverts, préférez les modèles à poils ras.

Sources de chaleur

Protéger les sources de chaleur pouvant occasionner des brûlures. Les supprimer autant que possible. Eviter d’être seul lors de leur utilisation (cuisine, repassage, etc)

  • Pas de cheminée à feu ouvert.
  • Radiateurs aux formes arrondies (si possible verticaux, lisses, avec des tubes arrondis). Réglés de façon à ne pas brûler au contact.
  • Éliminer les radiateurs électriques avec résistances accessibles lors de mouvements incontrôlés.
  • Si des radiateurs peu conformes à ces recommandations existent déjà, pensez en protéger les angles ou la totalité.
  • Le chauffage par le sol est une bonne alternative.
  • Ajouter une « porte froide » si la porte du four peut être brûlante.
  • Préférer les plaques à induction, les fours à micro-onde. Ces sources de cuisson restent froides.
  • Un robot-cuiseur évite d’être debout devant la casserole sur le feu pour remuer ce qui cuit
  •  Une crise avec un fer à repasser à la main peut être extrêmement dangereuse… choisissez des vêtements sans repassage…

Salle d’eau

C’est un lieu où on peut se brûler avec de l’eau devenue trop chaude, se noyer dans peu d’eau, se faire fort mal en chutant sur la porcelaine du lavabo ou du WC. Dans la salle d’eau, plus qu’ailleurs, penser à la sécurité tout en préservant l’intimité et la pudeur. Les épileptiques décèdent plus souvent par noyade dans leur baignoire qu’en piscine ! Selon l’âge et le type de crise, il faut une surveillance auditive ou visuelle – difficilement acceptable passé l’enfance. En ce cas, renoncez aux bains et aménagez une douche sécurisée. La surveillance peut être nécessaire aussi le temps d’une douche, selon le type d’épilepsie et l’aménagement de la douche.

alors ici prévention maximale

  • Éviter les brûlures par un changement incontrôlé de l’ouverture des robinets : mitigeurs thermostatiques un peu difficiles à modifier (pas de bouton en saillie, bague de réglage à débloquer avec un mécanisme subtil, etc…).
  • Pour la douche
    • un rideau plutôt qu’une paroi rigide : en cas de chute, le rideau s’écarte, une paroi risque de voler en éclats sous la chute. Un rideau qui ne va pas jusqu’au sol ou s’écarte sous le corps qui chute permet à l’aidant de voir la chute et intervenir immédiatement.
    • une douche « à l’italienne » : pas de bac risquant d’accumuler suffisamment d’eau pour se noyer, pas de rebord blessant en cas de chute. Elle peut être dans le même revêtement de sol souple antidérapant que l’ensemble du sol de la salle d’eau.
  • Un robinet avec un système de détection arrêtant automatiquement l’eau si on est tombé (si on n’est plus devant le détecteur du robinet).
  • Attention aux crises en sortie de douche ou de bain dans une pièce froide ! Prévoir une pièce à la température adaptée et une très grande serviette pour s’y envelopper.
  • Un lavabo encastré dans un meuble arrondi est préférable à un bac rectangulaire aux angles saillants ; préférer la sécurité plutôt que les sanitaires à la mode !

Mobilier

Choisissez du mobilier – intérieur et extérieur- qui ne casse pas sous le poids d’une chute, éviter les angles vifs, préférez les arrondis et capitons. Eviter les petits meubles chargés de choses fragiles : tout tombe et se brise en cas de chute. Supprimer les lampes halogène sur pied, les rallonges électriques auxquelles on risque de s’accrocher.

Et… ne meublez pas trop, qu’il y ait « la place de tomber ». Les aidants qui ont déjà rattrapé au vol une lampe sur pied, déplacé des petits meubles chargés de bibelots autour d’une personne qui s’agite au sol savent ce que cela veut dire. Et s’il y a de place, l’aidant intervient plus facilement.

Les gens qui ont des crises nocturnes avec grande agitation peuvent ajouter un tour de lit, choisir un grand lit pour ne pas tomber lors des crises, un lit bas pour tomber de peu, un tapis moelleux, un matelas le long du lit – tiré au moment du coucher / rangé sous le lit en journée.

Quand on est locataire et qu’on ne peut pas changer les radiateurs, on peut protéger les parties potentiellement dangereuses.

rembourage protection de radiateur
Un bourrelier-cordonnier a fabriqué cette protection sur-mesure pour un établissement accueillant des épileptiques sévères

Faciliter l’intervention d’un aidant

L’accès des pièces doit être possible à tout moment pour l’aidant :

  • verrou ouvrable de l’extérieur .
  • porte des petites pièces s’ouvrant vers l’extérieur, pour intervenir en cas de chute derrière la porte.
  • Une porte coulissante peut-être une bonne solution, sans élément en relief au sol.
  • A défaut, si on est locataire, remplacer la porte des petites pièces par un rideau !

Pour les crises avec énurésie, avoir un lieu où se doucher et se changer avec aide près du lieu d’activité…. Ne pas traverser tout l’établissement médicosocial avec son pantalon mouillé, c’est une question de dignité !

Le détecteur de crise d’épilepsie idéal pour alerter un aidant n’existe pas encore. L’association EPI y travaille.

Une gamme de capteurs et transmetteurs d’alarme peut d’ores et déjà répondre à certains besoins et maximiser la sécurité. Prévoir leur raccordement au système d’appel-malades dans un établissement.

Exemples de technologies pouvant être utilisées

bouton d’alertemédaillon d’appeltirette de salle de bains
détecteur de chutedétecteur de sortiecapteur de sol
capteur de lit: mouvement,
énurésie, vomissement, présence/absence
babyphone

Quelle que soit la technologie utilisée, elle doit respecter l’intimité de la personne. Quel adulte aurait envie de vivre toutes ses nuits sous l’œil d’une caméra ? Nous vous conseillons d’essayer chaque dispositif sur vous avant 😉

Et la nuit ?

Les risques sont un peu différents du jour : moins de risque de chute mais l’aidant dort lui aussi… Au lit, une crise brève qui s’arrête spontanément, sans énurésie, chute du lit ou déambulation, où la personne se rendort spontanément, ne présente pas de risque (s’il y a un oreiller anti étouffement, pour éviter une éventuelle gêne de la respiration durant la crise) ; les autres crises peuvent nécessiter l’intervention de l’aidant.

  • Pour alerter l’aidant endormi ou le veilleur de nuit de l’établissement, voir le § précédent. Tout ce qui peut préserver aussi la nuit de l’aidant familial est bienvenu !
  • A propos du lit, voir le § mobilier
  • Si les crises sont bruyantes et gênent le voisinage, l’insonorisation de la chambre est utile.

Contre le risque d’étouffement dans la literie lors d’une crise nocturne, un oreiller anti-étouffement peut être utile.

Il vaut mieux dormir en PLS (sur le côté) avec un oreiller que risquer de s’étouffer dans son matelas! On peut respirer à travers un oreiller anti-étouffement. Vous pouvez acheter un oreiller anti-étouffement en France. Voir la page correspondante dans le site de ce redistributeur.

Aménager l’habitat, d’accord… Mais pour financer ?

Vous trouverez de précieuses informations à ce sujet dans cette page de l’ANAH (agence pour l’aménagement de l’habitat).

En résumé

Dans un habitat existant, faite le tour des lieux en imaginant la crise d’épilepsie. Repérez tout ce qui en aggraverait le déroulement et modifiez tout ce qui peut l’être.

Dans un habitat à construire, mettez ces préconisations en œuvre dès la conception du bâtiment, cela revient bien moins cher que des aménagements ultérieurs, bien moins cher que les frais d’hospitalisation que vous éviterez ainsi.

Propriétaire ou locataire, ne négligez pas tous les petits aménagements efficaces (ex un canapé placé au bon endroit, un grand tapis, des sécurités de fenêtre type « sécurité enfants » à quelques euros, des jardinières larges pour sécuriser un garde-corps, etc).

Cet aménagement de l’habitat, nécessaire à la sécurité et à l’autonomie de la personne handicapée par une épilepsie sévère, peut avoir un coût important. Pour vous aider à le financer, vous pouvez solliciter une PCH “aménagement du logement”.

Et si vous avez des aménagements particuliers qui pourraient intéresser d’autres familles, faites-nous en part !